Curieux petits gobies et blennies

Les gobies ainsi que les blennies font partie de cette faune particulièrement facile à observer lors des plongées, lors d’une sortie en snorkeling ou bien tout simplement depuis le rivage !

Publié le 09/08/2021

Ces deux grandes familles forment en quelque sorte le B.A.-BA de la connaissance sur la faune sous-marine et font souvent partie des petits poissons facilement identifiés par les plongeurs les plus néophytes en termes de connaissances sous-marines. Avec une petite taille et des grands yeux globuleux qui lui assurent un champ de vision extrêmement large, la blennie et le gobie sont également des espèces passionnantes, semi-aquatiques et terrestres qui nous ramènent au temps où la vie commença à sortir de l’eau, il y a de cela 400 millions d’années. 

Gobies-et-blennies-plongee

Les gobies et les blennies sont surtout connus pour être solitaires, territoriaux et littoraux. Ces deux familles sont dépourvues de vessie natatoire, ce qui explique qu’on les rencontre que très (très) rarement en pleine eau et qu’ils passent la majorité de leur temps à évoluer sur les fonds rocheux, les tombants et sur les lits de sable.

Gobies-de-Mediterranee

Avant d’aller plus loin, quelle différence notoire y a t-il entre un gobie et une blennie ?

On connaît au moins deux cents espèces de gobies sur la planète, et oui ils sont nombreux ! On les distingue en observant sur leur tête la disposition de leurs papilles sensorielles et des pores à mucus. Les blennies, que l’on appelle aussi « baveuses », ont un corps allongé qu'elles glissent sous les roches. Elles présentent une tête dotée de grosses lèvres, joues rebondies et yeux exorbités. Enfin et surtout, les gobies ont des écailles, alors que les blennies ont le corps gluant, d'où leur surnom de baveuses (charmant...).

Gobie-alpheus

Le récif est un lieu de tous les dangers ainsi que le paradis des tricheurs de tout acabit, cependant, certaines espèces privilégient le travail en équipe et la communication pour une vraie réussite collective ! Dans les mers tropicales, et plus particulièrement dans l’océan Indien et en Indonésie, certains gobies s’allient avec des crevettes pistolet aveugles dont les grandes pinces lui permettent de transporter d’impressionnantes quantités de petits cailloux et autres sédiments du récif. Tous deux creusent un terrier commun où ils se sentiront en sécurité. Doté d’une excellente vue, le gobie aura pour mission de monter la garde en permanence. La communication étant essentielle entre les deux colocataires (même s’il arrive que l’on observe parfois deux crevettes partageant leur quotidien avec le gobie), la crevette garde alors un contact quasi-permanent avec son gardien à l’aide de ses antennes et lui prodigue de brefs massages du ventre en guise d’apaisement et pour le récompenser de son rôle de sentinelle. C’est ce que l’on appelle une relation symbiotique par excellence et plusieurs espèces de gobies ont recours à cette pratique afin de s’assurer l’accès à un terrier suffisamment profond pour être en sécurité, s’y reposer et y déposer ses œufs. 

Le gobie est une espèce surprenante oui, et saviez-vous qu’il est possible de le rencontrer hors de l’eau dans certaines parties du globe ? Si vous vous êtes déjà attardé sur la zone d’habitat des gobies et blennies, ne serait-ce qu’en Méditerranée, vous avez pu sans doute remarquer qu’ils apprécient les eaux peu profondes et ont tendance à fréquenter les flaques et petits trous d’eau qui jalonnent le rivage. Il n’y a pas secret : vivre sur cette partie du littoral très peu profonde et riche en cavités leur permet d’échapper aux nombreux prédateurs marins et d’avoir en permanence un œil sur le petit périmètre d’eau qui entoure leur cachette. Et oui, avec une nage particulièrement saccadée et des sprints sur de courtes distances, gobies et blennies ne sont pas vraiment avantagés quand il s’agit de fuir un prédateur. D’ailleurs, la nature fait bien les choses et a doté ces petites espèces de nageoires ventrales spécifiquement évoluées pour faire face au rythme des vagues en bordure du littoral. Ces nageoires ventrales qui ont subi une mutation se retrouvent alors placées sous le ventre et prennent le nom de « nageoires pelviennes ». Avec une forme de disque, elles assurent au poisson d’avoir un effet ventouse dès lors qu’il se pose sur le fond !

periophthalmus-mangrove

Certains gobies évoluent quant à eux quasiment à l’air libre et passent très peu de temps en pleine eau ! C’est le cas du Periophthalmus, appelé également « Sauteur de boue ». Ces poissons se sont arrêtés d’évoluer à mi-parcours et peuvent vivre hors de l’eau durant de nombreuses minutes. Leur terrain de jeu s’étale des mangroves aux étendues de boue qui peuvent juxtaposer les zones d’eau saumâtre dans les marécages en Afrique de l’Ouest mais aussi en Asie ou dans le Pacifique comme en Nouvelle-Calédonie. Bien qu’ils puissent vivre hors de l’eau, il est particulièrement amusant de les regarder et de penser, au premier abord en les voyant se trainer tant bien que mal sur leurs nageoires, s’ils ont vraiment tout compris... Tout comme leurs cousins sous-marins, survivre n’est pas chose facile et ils ont une bonne raison de se compliquer ainsi l’existence. En effet, la boue sur laquelle ils adorent se déplacer est riche en petits organismes et micro-crustacés dont ils raffolent !

periophthalmus-observation

Les sauteurs de boue ont une petite astuce pour affronter cet environnement hostile : pour se nourrir à l’air libre, ils gardent de l’eau dans leurs joues afin d’irriguer leurs branchies. Ainsi, régulièrement, ils font monter le taux d’oxygène de l’eau en inspirant une grande bouffée d’air ! Ils n’inspirent pas l’air directement, celui-ci devant se mélanger à l’eau afin qu’ils puissent en tirer de l’oxygène.

En plus de cela, ils adoptent un système de respiration cutanée. Étant un poisson vivant sous les tropiques, cette espèce semi-terrestre encourt de sérieux dangers car elle ne peut respirer à travers sa peau que lorsque celle-ci est humide, si elle se dessèche, elle s’asphyxie. Son astuce consiste alors à se rouler constamment dans la vase pour que sa peau, qui n’est pas recouverte d’écailles, soit toujours humide (il s’agit donc d’une blennie si vous avez bien suivi !). 

Blennies-terrestres

Une autre espèce toute aussi intéressante passe la majorité de son temps hors de l’eau, il s’agit de la blennie zèbre d'Istiblennius, endémique de l’archipel d’Hawaï. Lorsque la nourriture se fait rare, elle prend son élan et va voir ailleurs. A l’échelle humaine, le saut qu’elle effectue représenterait un bond de plus de 6 mètres ! C’est grâce à la force de sa nageoire caudale que cette espèce de blennie peut évoluer sur les rochers et passer de flaque en flaque à la recherche de nourriture. On peut dire en quelque sorte que comme son cousin le périophtalme, ces poissons sont les plus terrestres du globe !

Plonger-gobies

Bien entendu, les espèces de gobies et blennies sous-marines ne sont pas en reste et offrent de très belles rencontres aux plongeurs qui sauront les approcher avec douceur et qui pourront ainsi entrevoir leur vie en tant que petit poisson du récif. De passage aux Philippines ? N’oubliez pas d’ouvrir les yeux sur le récif pour débusquer les minuscules Gobiodons ! Ils évoluent sur le récif où ils attendent patiemment une bonne partie de la journée que des petits courants planctoniques passent par-là ! Contrairement au reste des gobies, les représentants de l’espèce Gobiodon ne sont pas fouisseurs et descendent ainsi que très rarement à même le plancher océanique. Avec une taille de 3,5cm maximum, il s’agit de l’un des plus petits poissons de récif du monde mais aussi de l’un des gobies les plus colorés ! Les individus que l’on rencontre du nord des Philippines jusqu’à l’archipel d’Okinawa au Japon sont colorés d’un jaune vif ! 

Plus-beaux-gobies

En continuant de toujours et encore ouvrir l’œil, vous pourriez aussi avoir la chance de croiser le très (très) beau gobie de Catalina ! Pour cela, il vous faudra opter pour un séjour plongée dans le golfe de Californie, à l’ouest du Mexique donc. Ce petit gobie, qui atteint lui aussi pas plus de 5cm, possède une forme oblongue à la coloration rouge vif, bariolée de magnifiques bandes bleues transversales qui lui strient le corps. Contrairement à d’autres espèces de gobies, il n’est pas rare de le croiser jusqu’à des profondeurs d’environ 50 mètres. Dans cet environnement rocheux et tourmenté, il a pour habitude de se cacher au sein, ou sous des oursins à longues épines. 

Que vous soyez en Méditerranée, en Indonésie, dans le golfe de Californie mais aussi au cœur des mangroves à l’eau saumâtre, vous êtes quasiment certain de croiser à un moment ou un autre un gobie ou une blennie. Avec leur mode de vie surprenant et leur façon de dévisager plongeurs et snorkelers, ces espèces font véritablement partie de la faune sous-marine intrigante et complexe, qui nous laisse comme très souvent, sans voix devant la beauté de la nature.