30/08/2024
En voilà un sujet passionnant ! Les espèces de poissons aux corps semblables à des serpents...
... de quoi donner quelques frayeurs à certains et en apprendre davantage à ceux qui seraient fascinés par les créatures hors du commun. Pourquoi s’intéresser à cette typologie de la faune d’ailleurs ? Et bien la réponse est simple, tout simplement car ce sont des animaux qui ont tendance à souffrir d’une réputation quelque peu déformée et mystifiée par certains mythes et légendes.
Les espèces dont nous allons parler n’ont cependant rien de monstrueux ou d’effrayant. Comme toutes créatures sous-marines mais aussi terrestres, elles font avec ce que la nature leur a donné afin de subsister au mieux dans un monde où les prédateurs se retrouvent eux-mêmes les proies. Prêt pour rencontrer certaines des espèces les plus redoutées et pourtant les plus recherchées lors des plongées sous-marines ? Allez, il ne vous arrivera rien... ;) !
La murène
Les murènes sont la plupart du temps des poissons de grande taille. Une espèce atteint même jusqu’à 3 mètres de long, entre autre la murène javanaise. Les murènes rodent entre les coraux, se dissimulent dans les crevasses et lancent leurs attaques éclair depuis leurs repères rocheux. La force de leur morsure est colossale, et tout (quasiment) est bon à prendre et à se mettre sous la dent. Les requins corail et les murènes coexistent sur les récifs. Il est arrivé récemment que l’on rapporte des observations plutôt impressionnantes concernant le comportement des murènes : certaines de bonne taille n’hésitent pas à s’attaquer aux requins corail de petite taille qui s’aventureraient trop près de leur tanière. Ses proies sont donc relativement diverses et variées, la murène peut être considérée dans certaines régions du globe comme une super prédatrice en fonction de sa taille : poulpes, poissons-pierre, autres murènes, congres... Ce qui en fait des prédatrices aussi efficaces, c’est la force, la puissance et la morphologie de leur mâchoire. Non seulement elle est très large mais elle est aussi armée de dents pointues et acérées, parfaitement conçues pour maintenir ses proies à la façon d’un piège à souris qui se referme (pour imager grossièrement l’action de sa mâchoire hein). Mais comment font-elles pour avaler de si grosses proies, comme des requins, alors que celle-ci continue de se débattre pour échapper à ce terrible piège ?
En réalité, elle dispose d’une deuxième mâchoire, appelée « mâchoire pharyngienne » située au fond de sa bouche. Pour imager une fois de plus ce à quoi cela peut concrètement ressembler, il suffit de se rappeler du film Alien de Ridley Scott et de son effrayante créature où sa mâchoire peut avancer, crocheter la proie et la pousser vers le fond de la gorge pour commencer à l’ingurgiter. Outre ces attaques plutôt impressionnantes, l’observation des murènes se passe la quasi-totalité du temps dans une ambiance calme et paisible. En réalité, elles n’apprécient guère sortir de leur anfractuosité et sortent la plupart du temps uniquement pour chasser. Et oui, elles sont assez craintives. Bien souvent, les observations de murènes en « pleine eau » sont faites aux alentours des stations de nettoyage. Ainsi, il n’est pas rare d’observer des murènes géantes profiter d’une journée au Spa dans les eaux indonésiennes. La murène apprécie le déparasitage qui lui est offert par les labres nettoyeurs et certaines espèces de crevettes. Elle a beau être farouche, elle se montre très douce et très curieuse avec cette petite faune qui lui procure les plus grands soins !
Leurs couleurs et motifs très variés composent toute une garde-robe de camouflages. Même les couleurs les plus vives peuvent être difficiles à repérer parmi les teintes des coraux du récif et le bleu de l’océan ce qui nous a emmenés à parler dans le point suivant de LA murène aux couleurs les plus flashs que vous pourrez observer : la murène ruban.
La murène ruban
Comme toutes les autres espèces de murènes, celle-ci a une vue particulièrement mauvaise et compte sur son excellent odorat pour se diriger et débusquer facilement des proies. N’ayant d’autre choix que de se déplacer régulièrement quand les proies viennent à manquer, sa nage est un véritable ballet aquatique. Nous ne pouvons que vous souhaiter d’observer au moins une fois une murène ruban en pleine eau. Ses mouvements sont d’une grâce inimaginable, tel un ruban de GRS, elle semble léviter et osciller comme un drapeau pris au vent : un véritable enchantement <3 !
Son corps majoritairement bleu et jaune peut atteindre jusqu’à 120cm de long, une belle taille on en convient mais, contrairement aux autres espèces, la largeur de son corps est relativement réduite, comme comprimée, ce qui lui donne cette grâce unique lorsqu’elle se déplace. Vous pourriez aussi rencontrer des formes de murènes rubans intégralement jaunes mais cette variété-là est un peu plus rare à observer en plongée. En réalité, toutes ces colorations témoignent de l’âge de l’individu rencontré et de sa maturité sexuelle. La murène ruban changeant de sexe au cours de sa vie, la livrée de sa robe s’en retrouve impactée. Ainsi pour identifier rapidement le type de murène ruban auquel vous faites face, retenez que : toutes possèdent une nageoire dorsale jaune. La juvénile possède un corps bleu/noir et devient ensuite un mâle dont le corps est bleu électrique. Les individus qui continuent à avancer dans l’âge deviennent sur le long terme des femelles dont le corps sera presque entièrement jaune.
De façon générale, la murène ruban possède un physique moins impressionnant que les autres espèces. Sa tête relativement petite porte des appendices nasaux qui participent une fois de plus à lui attribuer une différenciation : un barbillon sur la mâchoire supérieure et trois petits barbillons sur la mâchoire inférieure, au niveau du menton. Ses deux narines si caractéristiques lui apportent également une belle originalité, elles se terminent toutes deux par des extensions nasales tubulaires translucides de couleur jaune, ressemblant à des algues.
Le cobra de mer
Laticauda colubrina ça vous parle ? Sans doute que non et on ne vous en tiendra pas rigueur. Cependant, cela peut toujours être intéressant de ressortir ce beau nom latin lors d’une petite discussion entre plongeurs pour évoquer le très puissant cobra de mer, dont le venin est 10 fois supérieur à celui d’un crotale terrestre et qui passe au moins la moitié de son temps sous l’eau à explorer les anfractuosités à la recherche de nourriture avant de remonter sur les plages de sable blanc pour se réchauffer au soleil ! Attention, avant de continuer, ne confondons pas le cobra de mer avec les « serpents de mer » qui eux vivent à temps plein en mer et remontent ponctuellement à la surface pour respirer.
Pourquoi le cobra de mer produit-il un venin aussi puissant ? Il doit remonter régulièrement à la surface pour respirer. Ainsi, dès lorsqu’il administre son venin, celui-ci doit agir vite : il chasse ainsi en quelques sortes contre la montre. Il n’est pas très rapide ni vraiment féroce en vérité mais il ne se démonte pas pour autant, au contraire, il voit grand, très grand ! Et oui, sa proie préférée n’est autre que.... La murène ! Et oui, comme très souvent, chaque espèce chasse et se fait chasser en retour sous l’eau ! Le venin, qui est l’arme secrète du tricot rayé (c’est l’autre nom du cobra de mer) est encore plus toxique que celui du Mamba noir (celui dans Kill Bill !). Ainsi, lorsqu’il arrive à concrétiser son attaque contre une murène, le repas qui l’attend est gargantuesque. Il avale la murène intégralement et doit ainsi attendre un bon moment sous l’eau afin d’entamer sa digestion et de récupérer ses forces.
Saviez-vous qu’un endroit sur terre est hautement réputé pour l’observation des serpents de mer ? Pour vivre ce petit frisson, direction la Nouvelle-Calédonie qui est entourée par l’un des plus longs récifs coralliens du monde et qui abrite une petite île où ne se côtoient pas moins de 15 espèces de serpents de mer. C’est dans cette profusion reptilienne qu’il est alors possible d’observer en détail la morphologie de toutes ces espèces qui passent leur temps entre terre et mer et donc de comprendre leur mode de vie. Tout comme leurs cousins terrestres, ils possèdent sous le ventre des écailles plus épaisses et solides qui leurs permettent de glisser convenablement sur le sol mais, à contrario, l’extrémité de leur queue se termine par un semblant de nageoire caudale qui se serait comprimée littéralement afin de lui permettre de nager comme un pro.
Petite question au bout des lèvres : est-il dangereux ce serpent pour l’Homme ? Rassurez-vous, il n’y a pas véritablement de danger lorsque vous rencontrez un cobra de mer. En réalité, ils sont assez petits et recherchent donc peu la confrontation avec plus grand qu’eux (vous êtes un titan à leurs yeux !). Ainsi, lorsqu’il sort de l’eau, il n’a plus de venin car généralement il vient d’utiliser ce dernier pour chasser et tuer sa proie. Si vous veniez à le croiser quand il part à l’eau ou est en chasse, pas de souci à se faire également, il préfèrera vous contourner et ainsi contourner les problèmes plutôt que de gaspiller son venin pour rien.
L’anguille jardinière
On a beau habiter le fond des océans, on n’est pas toujours suffisamment à l’abris, surtout quand on manque de défense, qu’on a une nature discrète et que l’on ressemble légèrement à un vers (le nec plus ultra des mets pour les habitants sous-marins !). Il n’est pas totalement inutile alors de se construire un terrier : stratégie adoptée par les anguilles des jardins, aussi appelées hétérocongres, extrêmement timides au point de ne jamais sortir complétement leur corps du sable, même pas pour se reproduire ! Elles sont ainsi vouées à s’enlacer à jamais avec leur voisin ou voisine la plus proche, une fidélité qui se fait rare de nos jours :D !
En tout et pour tout, l’anguille jardinière a un corps d’une longueur moyenne de 40cm à l’âge adulte et dont seulement les 2/3 sont véritablement visibles lorsque vous pourrez les apercevoir en plongée. D’ailleurs, niveau observation, celle-ci se fait avant tout sur les lits sablonneux, là où l’anguille pourra s’insérer dans le sol grâce à l’extrémité de sa queue, plus rigide que le reste de son corps, qui lui permettra de s’enfoncer assez loin dans le sable, à la façon d’un pied de parasol pour imager le concept. Le mucus qui recouvre toute la peau de l’anguille lui permet ensuite de consolider les parois de son terrier afin de former un véritable tube sous le sable. D’ailleurs, ce n’est jamais une seule anguille que vous apercevrez en plongée, mais au moins plusieurs dizaines, voire centaines ! Certains sites assez exceptionnels que l’on surnomme généralement « eels gardens » peuvent comptabiliser plus d’un millier d’individus ! De loin, ces colonies d’anguilles peuvent ressembler à des formations de posidonies qui émergeraient du sable et qui onduleraient au gré des courants. C’est de cette façon qu’elles se nourrissent de petites proies planctoniques et de minuscules crustacés qui pourraient passer à portée de leurs minuscules dents, et bien entendu, autour de leur périmètre d’action. On dénombre au total 35 espèces d’anguilles jardinières à travers le monde, surtout dans les zones tropicales mais aussi subtropicales, où il n’est pas rare de rencontrer différentes espèces d’hétérocongres sur une seule et même colonie.
Le Syngnathe
Terminons l’observation des espèces serpentiformes par un animal encore plus étrange et fascinant : le syngnathe. Ce dernier fait partie de la famille des hippocampes ou encore des poissons fantômes. Généralement sa taille est plutôt réduite, disons une quinzaine de centimètres, mais il est tout à fait possible d’observer des spécimens bien plus grands en fonction de leur origine géographique. Prenons la Méditerranée par exemple, et bien il est tout à fait possible d’y observer des syngnathes pouvant atteindre dans les 40cm ! Et oui, nos eaux réservent de nombreuses surprises ! Si vous souhaitez vous essayer à l’observation de cette espèce qui est maitre dans l’art du camouflage, nous vous conseillons de vous armer de patience et de privilégier les zones où alternent les lits de sable avec les herbiers de posidonies et quelques rochers. C’est ici même que vous avez toutes vos chances pour tomber nez à nez avec un syngnathe. Il y a encore une vingtaine d’années, les eaux méditerranéennes étaient beaucoup plus riches en syngnathes qui pouvaient être rencontrés en bordure de littoral, désormais, ils sont plutôt présents aux alentours des 5 mètres de profondeur. Si vous réussissez à le voir, observez bien son museau si caractéristique, semblable à une petite trompette. C’est grâce à cette bouche tubiforme qu’il peut chasser les micro-organismes en flottaison mais aussi de petits alevins de poissons, il les ingurgite ainsi à la façon d’un aspirateur.
Comme chez l’hippocampe, c’est le mâle syngnathe qui donnera naissance à sa future progéniture. Pour cela, c’est lui qui récupère les ovules de la femelle afin de les féconder dans sa propre poche ventrale interne. Il expulsera ensuite les œufs sous 5 semaines pour donner naissance à plusieurs dizaines de petits syngnathes, le miracle de la vie !
Cet article vous a plu ? Nous avons encore beaucoup d’informations intéressantes pour vous qui souhaitez en apprendre davantage sur la faune sous-marine plutôt inattendue. L’océan est un véritable cabinet de curiosités comme pourront vous le montrer notre article sur la faune sous-marine et l’art du camouflage ou encore notre récit sur les espèces de poissons aux formes hors du commun !