Tout savoir sur le poulpe

Nous vous proposons une petite lecture en compagnie d’un animal fascinant, futé, aux couleurs changeantes, rapide, sophistiqué, bizarre…

Publié le 15/11/2020

Poulpe

 

Il possède 8 bras autonomes, du sang bleu ou encore 3 cœurs. On ne le voit pas toujours puisqu’il vit la plupart du temps caché dans des anfractuosités rocheuses… s’agirait-il d’une créature de science-fiction ? Mais non il s’agit du poulpe bien entendu ! 

Aussi appelée pieuvre, cette espèce de la famille des céphalopodes est sans doute la représentante dont le comportement ne cesse d’étonner et suscite l’interrogation générale des scientifiques. Serait-il d’une autre planète ? Certains se sont posés la question tant les capacités intellectuelles et physiques du poulpe semblent comme parfois trop poussées, à la limite du raisonnable !

 

Plongeur avec un poulpe

 

On connait aujourd’hui environ 300 espèces de poulpes, allant du poulpe commun observable sur les côtes méditerranéennes à la très venimeuse pieuvre aux anneaux bleus ou encore la changeante pieuvre mimétique. Les représentants de cette famille possèdent des similarités quant à leur apparence mais leur taille diverge : Les bras du poulpe géant du Pacifique peuvent atteindre 4 mètres tandis que le poulpe aux anneaux bleus n’excède pas les 15cm de la tête au pied.

D’ailleurs que veut dire le mot « poulpe » ? Si l’on prend la traduction mot à mot de ce nom, on arrive tout d’abord à ses origines latines : Polypous et l’on obtient ensuite par traduction ; « Poly » = plusieurs, et « Pous » = pieds !

 

Poulpe en Méditerranée

 

Les représentants de cette espèce arrivent à ouvrir des bocaux, à s’échapper d’un aquarium, ils savent aussi utiliser des outils ! Ce sont aussi des transformistes qui changent de couleur à leur guise, au gré des paysages sous-marins ou encore pour exprimer une émotion.  La famille des céphalopodes est rattachée à la classe des mollusques. Elle comporte d’autres représentants bien connus des plongeurs comme les calamars (plus océaniques) ou encore les seiches. Tout ce petit monde est désormais bien connu de la communauté scientifique et leur comportement peut désormais être expliqué avec plus de facilité qu’il y a quelques années. On emploie même le mot "intelligence" afin d’appuyer la singularité de leur comportement d’apprentissage. 

Les céphalopodes, et plus particulièrement le poulpe, a des capacités d’évaluation de l’espace et de ses possibilités de fuite, tout cela orchestré par rapport à la distance qui sépare ses deux yeux. Plus concrètement, cela veut dire que le poulpe a la faculté de se faufiler dans les plus petits interstices, sachant qu’il a seulement besoin d’une faille, ou d’un petit trou, qui laissera passer la seule largeur que représente la distance entre ses deux yeux ! On devine alors que le corps est extrêmement mou à l’exception du cerveau situé juste derrière les cavités orbitaires et qui est logé dans une capsule cartilagineuse. Le poulpe a donc conscience de son corps et de l’évaluation des distances par rapport à sa propre mesure corporelle

 

Gros plan sur yeux poulpes

 

Les comportements de fuite du poulpe sont particulièrement faciles à observer dès lorsqu’il tente d’échapper à un prédateur (avec sa fameuse encre noire) ou bien lorsqu’il part en chasse. On voit alors que ses tentacules revêtent une toute autre forme que celles de ses cousins les calmars et les seiches. Ses 8 tentacules sont en réalité de véritables bras, indépendants, qui lui permettent de tâter, à la façon d’un humain avec ses mains ou ses doigts. Une expérience fondatrice concernant le poulpe a été menée par le commandant Cousteau dans les années 70. Il a alors placé aux côtés d’un poulpe un bocal hébergeant une langouste et dont le couvercle avait été vissé légèrement. Le poulpe a compris la mise en scène et son environnement au bout de seulement 2 heures, a dévissé le couvercle et mangé la langouste ! Le poulpe a donc montré qu’il était très malin et qu’il comprenait parfaitement l’aspect interactif de son milieu direct. Afin de mieux comprendre ce comportement de chasse inédit et stratégique, nous vous invitons à consulter cette vidéo du Musée océanographique de Monaco qui démontre en seulement 2 minutes nos propos.

L’expérience du commandant Cousteau a été des plus importantes car elle a permis de mettre pour la toute première fois le poulpe sous la rampe des projecteurs, et ce dans une démarche éducative. De plus, l’on démontrait par-là que le poulpe était capable d’apprentissage et de réaliser une action avec un appendice qui ne soit pas une main mais qui ressemble au même type d’action qu’un humain réaliserait quant à lui avec sa main, tout en opérant le même système de rotation nécessaire à l’ouverture d’un bocal. L’expérience réitérée, le poulpe diminua alors son temps de réflexion et opéra en seulement quelques minutes, voire parfois quelques secondes pour ouvrir le contenant. Nous sommes alors loin des 2 heures évoquées précédemment par Jacques-Yves Cousteau et pouvons réellement parler d’apprentissage. 

Les céphalopodes sont également capables d’apprendre par l’observation. Un poulpe regardant un autre poulpe faire une action sera lui aussi capable de réaliser exactement la même action grâce à sa grande faculté de mimétisme, aussi bien corporelle que mentale. Il regarde, il observe, il fait. 

 

Poulpe mimétisme

 

Et ses changements de couleurs dans tout ça ? 

Il s’agit là du gros succès des céphalopodes, les changements de couleurs. Contrairement au caméléon qui change de robe très lentement (entre 2 et 5min), les céphalopodes peuvent entamer et finaliser leur transformation en seulement 1 secondes, et encore… ! Les pieuvres et les seiches, qui vivent le plus souvent sur les planchers océaniques, ont développé cette capacité de camouflage grâce à ces robes continuellement changeantes. Ce phénomène est possible grâce aux millions de grosses cellules de peau appelées les « chromatophores », pleines de pigments colorés, qui sont reliées directement au cerveau. On les qualifie alors d’organes « neuro-musculaires » et dès qu’une information arrive au cerveau à partir de l’œil de l’individu, elle voyage alors à la vitesse de l’influx nerveux jusqu’au chromatophore, la cellule pigmentaire, qui va alors s’étirer (la palette de couleur augmente), ou se relâcher (la palette s’estompe), on dit alors qu’il possède une peau dynamique. 

 

Poulpe avec des poissons bleus

 

Pourquoi changer de couleur ?

Changer de couleur est une fois de plus utile pour se camoufler, pour échapper aux prédateurs, mais aussi pour détecter les proies sans être vu. La pieuvre est capable d’épouser les couleurs du fond sur lequel il repose mais peut aussi entamer une transformation corporelle grâce à la grande souplesse de son corps et aux propriétés de sa peau qui lui permettent de varier la texture pour s’accorder à la texture ambiante. Le poulpe peut alors simuler de petits appendices sur l’ensemble de son corps s’il est situé sur un lit d’algues ou encore se lisser littéralement le grain de peau sur un lit de sable. Le combo texture et couleur lui permet de disparaitre complètement, c’est d’ailleurs pour cela qu’il est si compliqué à apercevoir en plongée à l’exception de ses déplacements en pleine eau. 

 

Poulpe à rayure sur le fond marin

 

En ce qui concerne les changements d’apparence, une espèce détrône ses cousines : la pieuvre mimétique. Elle est observable en Indonésie et particulièrement vers le détroit de Lombeh où il est possible de l’approcher sur les fonds obscurs que vous réservent une plongée en muck-diving. Elle est capable de s’enfoncer dans le sable et de reproduire les motifs marbrés du sol afin de ne former qu’un avec cet élément, et ce n’est pas tout. Elle ne se contente pas de changer de forme mais prend l’apparence d’autres animaux qu’elle observe dans son environnement. Lorsqu’elle se déplace, elle prend alors l’apparence d’un poisson plat, semblable à une raie venimeuse, une stratégie de défense efficace qui fait que les prédateurs y réfléchissent à deux fois avant de passer à l’attaque. On ne sait pas avec exactitude combien d’espèces elle est capable d’imiter mais une chose est sûre, tous son répertoire est composé d’animaux dotés d’un venin mortel !

 

Les poulpes sont vraiment des créatures sous-marines fascinantes qu’il est possible d’observer à travers le monde entier. Nous avons énuméré dans cet article quelques-uns de ses grands pouvoirs mais d’autres sont encore à découvrir et approfondir, comme la repousse de ses bras au cas où il en laisserait un bout dans la bouche d’un prédateur ! Des récifs balinais, en passant par les fonds de la mer Rouge ou encore par le littoral méditerranéen, sa rencontre est souvent une surprise. Les marins des temps passés et toute la mythologie qui circule autour du poulpe (ou de la pieuvre) ne s’y sont pas trompés : ces animaux sont très spéciaux, précieux, uniques, et méritent que l’on s’attarde plus longuement sur leur façon de vivre et sur le comportement singulier qu’ils ont su développer au cours de millions d’années d’existence. C’est sans nul doute l’une de nos espèces préférées à observer le long des anfractuosités et avec laquelle il est souvent possible d’interagir et de créer des moments de complicité si l’on opère tout en douceur et dans le respect <3.

 

Poulpe dans une main de plongeur